André
DUFRAISSE élevé au grade de Chevalier de la Légion d'Honneur par un
autre grand champion cycliste : Raymond POULIDOR
Surnommé " Le
virtuose des sous-bois " par les journalistes de l'époque, André Dufraisse entre dans l'élite des sportifs français les
plus titrés du cyclisme international.
Champion incontesté dans les années cinquante - soixante, André reste le
meilleur cyclo-crossman que la France ait connu.
A sept reprises, il remporte le titre national (1955, 1956, 1958, 1959, 1961,
1962 et 1963) et gagne le championnat du monde cinq années consécutivement
(de 1954 à 1958).
LA PASSION DU VELO.
Né le 30 juin 1926 à Silord (Commune de Razés -
Haute-Vienne), fils unique d'une mère paysanne et d'un père maçon, André a
fréquenté l'école primaire de Razés.
Vers 10-11 ans, il donne ses premiers coups de pédales……dans le grenier de la
maison de ses parents…..sur le vélo, modèle 1920, de
son père, il est obligé de monter sur des caisses pour accéder à la selle,
roule six à sept mètres et tombe …bien évidemment.
A 13 ans, il obtient son certificat d'études et ..son
premier vélo neuf.
Chaque année, il voit passer devant chez lui les coureurs du célèbre Paris-Limoges et, pourtant, André est venu très tard au
vélo.
DES DEBUTS
PROMETTEURS.
En mars 1948, Raymond
Meyrat, un bon coureur régional, le fait inscrire à
l'U.V.L. (Union Vélocipédique Limousine). Ce club
sera son seul club : dix-huit licences.
Il se fait remarquer en février 1950 au cours du cyclo-cross de La Bregère à Limoges où il termine 2ème derrière Dufour, le
meilleur spécialiste local.
Jean Monnery des Cycles Rochet lui avait offert
avant le départ son premier maillot, il le déchire dans un passage difficile;
petite déception mais grande joie 53 minutes plus
tard.
Sans technique particulière, il profite de ses bonnes performances en course
à pied à l'armée pour distancer ses adversaires dans les passages difficiles,
où l'engin à deux roues est plus encombrant qu'utile. André a tout appris sur
le vélo en regardant ses aînés. Il est particulièrement admirateur de Roger
Rondeaux qui, comme lui, est monté sur la plus haute marche du podium
arc-en-ciel.
Si vous lui demandez les raisons de sa réussite dans le cyclo-cross, il vous
répondra : " Je mesurais 1,71 m et pesais 65 kg, j'étais assez adroit,
j'avais sans doute un peu de talent mais surtout une capacité thoracique
importante et beaucoup de cœur, mon pouls battait à soixante ".
Il vous dira également qu'il surveillait son alimentation (
sauf au retour d'Italie suite à son premier maillot de champion du
monde, voir plus loin ) : pas de vin, pas d'alcool, aucune sauce et pas de
charcuterie.
Chaque année, à l'arrivée de la Limousine, sous le chapiteau de la
restauration, il oublie ses bonnes dispositions de diététique sans pour cela
tomber dans l'excès car André a gardé les pieds sur terre.
DU RESPECT POUR LE
MATERIEL.
André n'a jamais été
un briseur de matériel, il savait respecter sa machine : une seule roue et un
guidon cassés en…18 ans. Il vous dira qu'il aimait la boue
, qu'il avait horreur des descentes (notamment en début de carrière)
et que les crevaisons lui donnaient des forces…André était un fonceur mental.
Son vélo ? Un plateau de 44, 45 ou 46 et une roue libre de 15 à 24.
Ses meilleurs amis ? Roger Rondeaux, Pierrot Jodet
mais aussi Meunier et Robic.
UNE VIE CALME ET
TRANQUILLE.
André a passé 18 ans
à arpenter les sous-bois et à prendre des bains de boue.
" En mars 1966, quand j'ai arrêté à presque 40 ans, j'ai trouvé du
travail dans une station-service à limoges ' Le Relais des marronniers ',
puis j'en suis devenu le gérant pendant dix ans.
En 1976, j'ai travaillé un an dans le quartz ; on l'écrasait et on le
conditionnait pour préparer l'émail et les verres de lunettes ".
Ensuite, André a tenu un bar nommé " André Dufraisse
", cela va de soi; la façade le représentait avec le maillot
arc-en-ciel.
Aujourd'hui, André vit dans le village de Silord,
dans une superbe maison qu'il a entièrement 'retapée'.
LA NATURE, LA NATURE
…. AVANT TOUT.
Timide, réservé,
André apparaît en public de manière discrète; prudent et modeste, André ne se
met jamais en valeur, cette pudeur qui le caractérise prend une autre
dimension quand il est au milieu des siens dans sa nature qu'il connaît bien.
Quarante ans ont passé, ses mains qui caressaient amoureusement les vélos,
aujourd'hui cajolent la pierre, câlinent la terre, chatouillent les arbres au
gré des pensées vagabondes. Oui, André a toujours
des idées… Si vous lui rendez visite, vous ne le trouverez pas à l'intérieur,
contournez la maison, il est dans le jardin. Vous ne le voyez pas ? il est
dans le débarras, il bricole, il rénove…un vrai technicien de la réfection , notre André.
Amateur toute sa vie professionnelle, il devient professionnel dans le
travail d'amateur. Si vraiment, vous ne le découvrez pas, Arrêtez-vous et
écoutez…les bruits : un ronflement de tracteur, c'est lui ; une tronçonneuse,
c'est lui ; un claquement de masse sur des piquets qu'on enfonce, c'est lui…
Enfin si vous avez épuisé tous les ingrédients de la recherche, repartez,
vous ne le trouverez pas…il est dans les bois, seul au milieu de la flore et
de la faune de son Limousin natal.
J'oubliais, revenez le soir après le coucher du soleil. Non, il n'est pas
assis devant la télé (sauf s'il s'agit d'une émission sur le sport cycliste) , il est dans son fauteuil et joue de la musique : ce
virtuose du cyclo-cross est aussi adepte du banjo. Il aime pincer les cordes
de cet instrument vieux de plus de trente ans, une merveille de sonorité.
PASSIONNE DE
GEOGRAPHIE.
Ce grand explorateur
du monde est passionné de géographie, il passe des heures et des heures, les
longues soirées d'hiver, devant des cartes routières ,
des plans, des atlas et des revues.
Ces voyages à travers les cartes l'intéressent : Dis, André ! la route pour
aller à Edelaere (Belgique), tu connais ? La
réponse sera sans appel et le chemin sera le plus précis qu'il soit.
Pendant les deux mois d'été, il partage sa vie avec ses deux petits-enfants
qu'il chérit comme un bon papy. Son épouse, Marcelle le suit, l'aide,
l'admire aussi mais… elle souhaiterait qu'il soit plus souvent près d'elle
" Il est toujours parti …. ". André est comme çà, il est humble et discret,
c'est un grand monsieur.
LA LIMOUSINE
Appelé " Dédé
" par les intimes, il a donné très gentiment son nom à cette épreuve Ufolep, c'est sans doute le meilleur hommage que notre
génération peut rendre . .à celui qui, en son temps,
n'a pas eu la gloire qu'il méritait.
QUELQUES GRANDS
MOMENTS ET ANECDOTES DE SA CARRIERE.
ANDRE DUFRAISSE VU PAR LES JOURNALISTES D'HIER
1951 : 2ème au
championnat de France à Marsannay-la-Côte (près de
Dijon) derrière Rondeaux ; dès son retour, il se rend au cimetière de Cieux
sur la tombe du regretté André Raynaud ; là, il fit le serment de devenir un
jour champion du monde comme son malheureux compatriote.
1954 : Champion du
monde à Gallarate (Italie).
1955 : Champion de
France à Calais. André Dufraisse, victime d'une crevaison
au 2ème tour vint terrasser Rondeaux au 6ème : " Ma crevaison m'a donné
des sueurs froides ".
1955 : Champion du
monde à Sarrebrück. André conduisit sa course avec
clairvoyance…..Il avait su mener son effort. "
Je me suis détaché d'entrée pour parer à une éventuelle crevaison ".
1956 : Champion de
France à Dreux : 76 coureurs, température -10°, André prend la tête au 4ème
tour dans la neige et le froid. Au quatrième passage, Dufraisse
était seul malgré un sol dur et gelé qui favorisait les routiers.
1956 : Champion du
monde à Luxembourg : Température -8°.André Dufraisse,
remarquable spécialiste, possède les qualités d'un grand skieur ; Il est
froid, flegmatique, sait jauger ses adversaires…d'une adresse étonnante, ses
qualités de coureur à pied font le reste.
1957 : 4ème titre de
champion du monde à Edelaere (Belgique). André,
véritable bloc de boue, faisait penser à une ébauche en terre à modeler
sortie des mains d'un sculpteur…André avait minutieusement préparé sa 13ème
victoire de la saison. Il s'était muni d'un vélo spécial à fourches élargies,
la commande du dérailleur était fixée au guidon… les boyaux à pastilles
limitaient les dérapages. " Ce fut, pour moi, le cyclo-cross le plus
pénible de ma carrière, on s'enfonçait jusqu'à la cheville ".
1958 : Champion de
France à Calais : lumbago avant le départ. 5ème titre de champion du monde à
Limoges. Au 3ème tour, André décida d'abandonner sa partie de prudence et de
prendre l'initiative. Dufraisse dut
sortir le grand jeu au 6ème et dernier tour pour prendre 25 secondes à Séverini. " J'ai souffert de ma sciatique dans les
parties où il fallait courir à pied ". Il sut
compenser un état physique déficient, alliant le courage à une connaissance
parfaite de la course. Il sut observer, prendre la
mesure de ses adversaires ensuite, et porter son attaque au moment opportun :
tout cela fait partie de la classe.
Les années 1959,
1961, 1962 et 1963 virent André endosser de nouveau quatre fois le maillot
tricolore.
CHAPEAU MONSIEUR
ANDRE !!
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